Shadia & Nadia

Bonjour les filles, parlez-moi de vous.

S: Je m’appelle Shadia j’ai 21ans, je suis passionnée de mode. J’ai d’ailleurs fait la première année d’ESMOD, une célèbre école de stylisme, mais j’ai du mettre entre parenthèse faute de moyen financier. En ce moment, je travaille en magasin pour la marque Kiabi. Et pour la rentrée prochaine je pense peut-être m’orienter vers des études de commerce dans le domaine de la mode et du luxe. J’habite actuellement à Lille, mais je suis née en République Démocratique du Congo, dans la ville de Lubumbashi. Je suis arrivée en France à l’âge de 2 ans et demi, avec ma famille, en tant que réfugiée politique. On a fui la guerre.

N: Je m’appelle Nadia, je suis la soeur jumelle de Shadia, j’habite aussi Lille où je suis en troisième année de science politique. Je fais aussi un peu de mannequinnat, depuis l’âge de 18 ans. Sinon, je rêve de voyager au Brésil, j’adore leur culture, leur cuisine… je suis fan en général de tous les pays lusophones (parlant portugais).

Pourquoi avoir fait du mannequinat ?

N: On m’a beaucoup encouragé à cause de ma morphologie, on m’a dit que je devrais en profiter car je suis grande, fine, avec un beau visage. Au début je manquais un peu de confiance, mais finalement c’est assez plaisant. J’ai même participé au concours Elite. Je n’ai pas gagné mais j’ai passé plusieurs étapes de sélection.

Quelles icônes mode suivez-vous sur les réseaux sociaux ?

S: Pour ma part, je suis plutôt des influenceuses fitness et lifestyle. Par exemple @madeleinebitici qui a un instagram et aussi un blog, et @shannellejaii, qui m’inspire d’un point de vu vestimentaire, par exemple si je dois trouver une tenue pour sortir.

N: Moi j’utilise pas mal twitter et instagram. Twitter me permet de rester informée. Sinon, sur instagram j’aime bien la mannequin portugaise @isildamoreira, de l’agence Elite NY, c’est une sorte de It girl, elle a quelque chose d’assez frais, elle poste des photos d’elle au naturel, tout n’est pas mis en scène, ça lui confère une certaine authenticité comparée à d’autres célébrités.

Quelle actualité mode a retenu votre attention récemment ?

S: Le lancement de FENTY Beauty, c’est une révolution, avoir fait 40 teintes de fond de teint différentes, c’est vraiment une bonne idée. Et il était temps, car il y a très peu de marques qui proposent un maquillage adapté pour les peaux noires. Au point que même les maquilleurs professionnels sont souvent en difficulté pour faire le teint des femmes noires.

N: Je confirme, en tant que modèle, on m’a déjà maquillée et cela ne me mettait pas toujours en valeur. L’info qui a retenu mon attention, c’était la couverture de Grazia, où la coiffure de l’actrice Lupita Nyong’o a été photoshopée, pour quelle ait l’air d’avoir le crâne rasé, alors quelle avait un chignon bas, car elle a de longs cheveux frisés en ce moment. Elle n’a pas été consultée pour cette retouche. C’est aberrant. Il y a des standards de beauté, si tu es une femme très foncée de peau, tu ne peux être stylée ou belle, que si tu as le crane rasé !

Que pensez-vous de la représentation des femmes noires dans la mode ?

N: Pas assez représentées, les campagnes publicitaires ce sont souvent des grandes blondes au yeux bleus. C’est dommage.

S: Par exemple, l’un des plus grand groupe textile comme Zara, j’ai parfois le sentiment qu’il s’adresse à une clientèle blanche.

N: Moi j’imagine une jeune femme parisienne d’un certain milieu, qui porte des pièces un peu excentriques, qui se veut avant-gardiste mais pas trop…ce qui est loin de représenter toute la population.

Que pensez-vous des grandes enseignes comme Zara ?

S: Depuis qu’ils ont changé leur direction artistique, il y a quelques années, je trouve les collections beaucoup moins intéressantes. Il y a moins de diversité en terme de produits. Zara était connu pour copier les grandes marques de manière intelligente. Maintenant l'enseigne copie des choses extravagantes qui ne sont pas toujours portables.

N: C’est vrai, je vais préférer H&M à Zara, en plus la qualité est la même, mais Zara est plus chère.

S: C’est plus cher, car c’est positionné haut de gamme, du moins c’est l’image qu’ils veulent se donner. Et les clients acceptent d’acheter à un prix plus élevé.

N: Surtout que la production doit se faire dans les mêmes usines au bout du monde par des enfants. D’ailleurs, j’ai vu un article disant qu’il y avait des messages cachés dans les vêtements Zara, mis par des employés non payés. C’est assez triste l’industrie de la mode en faite, entre la maltraitance des travailleurs, le travail d’enfant que ça engendre dans certains pays, le manque de diversité, ou les problèmes d’anorexie dans le mannequinat…

S: Oui et on s’aperçoit qu’on prend ce qu’on nous donne. On a envie de quelque chose, on cherche et on finit par acheter ce que nous suggère les grandes enseignes comme Zara, Bershka etc, même si elles ne sont pas irréprochables.

A votre avis quelle est la solution pour se réapproprier la mode ?

S: Je retravaille les vêtements que j’achète ou qu’on me donne. Comme je sais coudre, je modifie à ma convenance. Mais je comprends que tout le monde ne le fasse pas, il faut de l’inspiration et du temps.

N: J’admire beaucoup ça chez Shadia, elle est très manuelle, très inventive, même pour les coiffures et le maquillage, quand elle trouve pas ce qui lui convient, elle apprend à faire elle-même.

S: C’est vrai, ça a commencé quand j’étais petite, j’avais l’impression que ma mère ne comprenait pas mon style. Alors quand elle me donnait des nouveaux vêtements je coupais les jeans, je dessinais sur les chaussures…

Et toi, Nadia, où achètes-tu tes vêtements ?

N: J’avoue piquer les affaires de ma soeur, mais je les porte différemment. Shadia fait beaucoup plus attention à l’harmonie des couleurs, moi je le fait un peu comme je le sens, même si cela ne correspond pas aux codes de bon-goût admis.

De quelles marques proviennent généralement vos vêtements ?

S & N: Zara, Bershka…, et les sites comme Asos, Missguided.

Et le foulard que tu portes ?

N: c’est un pagne de ma mère (tissu africain utilisé pour les tenues traditionnelles).

Quelles marques utilisez-vous pour le maquillage ?

N: M.A.C, Sephora. Kiko, avait sorti un super fond de teint, mais ils l’ont arrêté il y a quelques temps, j’étais déçue.

S: NYX cosmetics est pas mal également.

Faites-vous beaucoup attention à votre apparence ?

N: Oui, plus jeune je portais tout le temps des talons, le sac à main coordonné, toujours maquillée. Depuis un an, je ne me maquille pas toujours, et parfois je n’ai pas de talons. Mais je veille toujours à être apprêtée au niveau des vêtements.

S: J’aime beaucoup le maquillage, j’y mets un point d’honneur ! Et j’adore aussi les talons, mais on m’a souvent fait des remarques parce que je suis déjà grande et que je dépassais certains de mes ex-copains. Mais maintenant je ne me prive pas d’en mettre, parce que je trouve que cela ajoute de l’élégance à la tenue.

Quel est votre look idéal ?

S: Legging noir, tee-shirt noir, rangers noires. Aujourd’hui ce n’est pas le cas, mais je m’habille souvent en noir, je trouve qu’en hiver c’est plus facile. En été, je rajoute des touches de couleurs.

N: Pour aller boire un café par exemple, je porterais des cuissardes en daim bleu nuit, un jean bleu simple, pas délavé, un pull-over gris, un perfecto noir, une grosse écharpe. Et évidemment du maquillage !

Quel sera votre look pour assister à un grand évènement, tel qu’un mariage ?

N: Robe avec des talons.

S: Un bustier avec un pantalon fluide, pour me démarquer, changer un peu de la traditionnelle robe.

Quels sont vos projets / vos ambitions ?

S: Je suis nourrie par une grande ambition, je veux m’accomplir au maximum, atteindre un certain confort, bien gagner ma vie et pouvoir en profiter en voyageant, par exemple. Ca fait peut-être lien avec mon enfance, nos parents qui sont partis de loin, qui ont fait certains sacrifices. Je ne veux plus être dans la galère. Après mon diplôme, je me vois évoluer dans la mode, gravir les échelons dans une grande maison, monter petit à petit en compétence. Finir par lancer ma propre entreprise. Ce qui est important pour moi c’est pouvoir vivre de ma passion. Je me rappelle qu’à ESMOD, je pleurais beaucoup, j’étais exténuée, je donnais beaucoup de moi-même, ça m’a demandé un effort financier important et pourtant jamais je n’ai été dégoûtée de la mode, de la création.

N: Pour ma part, j’aimerais ne plus être soucieuse, être libre de faire ce que je veux, ne plus batailler : pouvoir profiter ! Là j’aimerais finir mes études. Ensuite me lancer sur un projet professionnel de relations commerciales entre la France et le Brésil, mettre en place des partenariats. Je me vois bien à 40 ans faire des aller-retour entre les 2 pays. Et continuer aussi de voyager pour mon plaisir personnel, lorsque j’aurai des vacances.

Pour finir, où peut-on suivre vos aventures ?

N: sur instagram : @nadouzkzd

S: @shano.k.rose